Le Prisonnier d’Azkaban a 20 ans : pourquoi c’est le meilleur film Harry Potter
Il y a vingt ans jour pour jour sortait le troisième volet de la saga Harry Potter en France. Après toutes ces années, il reste le meilleur film de la franchise.
Le 2 juin 2004 sortait sur nos écrans Harry Potter et le Prisonier d’Azkaban. Pour sa troisième année à Poudlard, le sorcier à lunettes, Harry, fait équipe avec ses amis Hermione et Ron alors qu’un dangereux sorcier criminel, Sirius Black, s’échappe de la sombre prison d’Azkaban et menace de retrouver le garçon.
A sa sortie, Première était conquis et vingt-ans plus tard, à la rédaction, les voix sont unanimes : Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban, réalisé par Alfonso Cuaron, reste le meilleur volet de la saga Harry Potter. Et ce ne sera pas Rotten Tomatoes qui pourra nous contredire. Sur le site de critiques américain, il se positionne à la deuxième place avec un score de 90% !
Une mélodie qui change d’octave
“Alors que l’écran est encore noir, les premières notes de musique s’égrènent comme un avertissement. Il s’agit bien de la mélodie d’Harry Potter, mais on y perçoit quelques dissonances troublantes destinées à s’installer…”
C’est de cette manière que commence la critique de Ghislain Loustalot dans Première à l’époque de sa sortie. Car pour un univers aussi marquant que celui d’Harry Potter, la musique est un des premiers éléments auquel les spectateurs font attention. Fans ou non-fans, il suffit de jouer les premières notes du thème principal composé par le célèbre John Williams (qui pose sa baguette de chef d’orchestre après ce troisième volet) pour que l’ensemble du public s’exclame à l’unisson : “Harry Potter !”
Montée crescendo puis envolée lyrique avec rythme insoutenable. Ainsi donc, quand des variations se font entendre sur certains morceaux, on sent que ce n’est pas pour rien, c’est signe d’un changement. Et ce changement est en partie dû à un homme : Alfonso Cuaron.
“Je jure solennellement que mes intentions sont mauvaises”
“De facto, ceux qui ne sont plus comme avant sont les enfants. Ils ont grandi et mûri (…) Devenus ados, ils jurent, savatent les meubles, se tapent dessus, s’habillent comme dans la vraie vie et font de temps en temps la découverte de nouveaux émois.”
Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban commençait mal… Chris Columbus – à qui l’ont doit les précédents films, enchanteurs mais très sages dans leur mise en scène – a quitté Poudlard et a laissé donc le soin au producteur, David Heyman, de trouver son successeur. Après de multiples hésitations, il porte son dévolu sur celui de Y Tu Mama, Alfonso Cuaron. Problème : il n’avait jamais lu les romans et hésitait donc à accepter la proposition. C’est là qu’entre en jeu Guillermo Del Toro (Crimson Peak, La Forme de l’eau). Ce dernier a fait comprendre (peut-être de manière un peu sévère) à son ami qu’il était vital de ne pas décliner cette offre :
“Putain de maigrichon, tu es un putain de connard arrogant. Tu vas aller tout de suite à cette putain de librairie, acheter les livres, les lire et m’appeler tout de suite après.”
Et quand Guillermo dit, on exécute. Cuaron a fini par accepter et il a eu raison car c’est grâce à ce film que les portes de Hollywood lui ont été accessibles.
Alfonso Cuarón ne voulait pas réaliser Harry Potter 3…
Daniel Radcliffe, Emma Watson et Rupert Grint ont bien grandi, tout comme le personnage. Harry, Hermione et Ron ne sont plus des enfants ni tout à fait des adultes – ils sont des adolescents. Ils entrent dans leur troisième année à l’école des sorciers et sont en proie des questionnements que l’on peut avoir à cet âge. Le réalisateur expliquait ainsi dans Première, en 2004 :
“L’idée dont j’ai tout de suite parlé à David et J.K Rowling, c’est que le monstre n’est plus sous le lit mais en eux.”
Ils se cherchent, même entre eux comme lorsque Hermione, effrayée par l’hippogriffe Buck, attrape mécaniquement le bras de Ron. Ils sont aussi plus rebelles : Harry Potter jette un mauvais sort à son odieuse tante la faisant voler dans les airs comme un boulon de baudruche, la si sage Miss Granger frappe soudainement Drago Malefoy suite à une énième moquerie… Ils sont aussi plus libres ! S’ils s’aventuraient déjà dans la forêt interdite dans les précédents épisodes, ici les spectateurs découvrent pour la première fois Pré-au-Lard et sa cabane hurlante. L’action n’est plus cantonnée aux murs de Poudlard.
Cette évolution se constate aussi dans les costumes. Un t-shirt, une veste de survêtement et un jean font très bien l’affaire et sont plus modernes qu’une jupe écossaise.
Comme le soulignait l’acteur principal dans notre hors-série Harry Potter : “Alfonso et Gary ont fait souffler un vent de liberté sur Azkaban. C’est un film rock’n’roll.”
Des libertés, le réalisateur en a également pris dans l’apparence du film. Il avait pour cela, le feu vert de sa créatrice : “J.K. Rowling m’a demandé de rester fidèle non pas au livre, mais à l’esprit du livre. ‘Ne sois pas littéral.’“
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il a respecté la consigne !
Une nouvelle identité visuelle obscure
“D’autant qu’Alfonso Cuaron, (…) a fait le choix de la noirceur, des doutes et des peurs liées à l’adolescence (…) Autres modifications profondes au service de ce parti pris : le travail sur l’obscurité effectué par le chef op, qui fait basculer l’ambiance vers l’étrange…”
Comme le producteur l’expliquait dans le Hors-Série Première Harry Potter, ce troisième volet marque un tournant, un passage entre l’enfance et l’adolescence. Pour marquer visuellement ce changement, il était nécessaire que le film devienne sombre : “J’avais toujours imaginé le troisième épisode comme une révolution esthétique.”
En s’éloignant du style de J.K Rowling, Alfonso Cuaron retranscrit à l’écran un esthétisme impressionnant qui joue sur l’obscurité. Par exemple, est introduite pour la première fois la prison d’Azkaban, forteresse isolée en mer déchainée filmée en pleine nuit. De même, le retour à Poudlard se fait sous l’orage et la pluie torrentielle. Les lumières du wagon s’éteignent plongeant les personnages dans le noir complet. Puis vient le froid mordant qui gèle les vitres et fait trembler les sorciers. C’est là qu’apparaissent les détraqueurs – ces terrifiantes silhouettes drapées à la respiration bruyante et aspirant l’âme de quiconque se trouve à proximité. Cousins peut-être éloignés des Nazgul du Seigneur des Anneaux par leur apparence, les détraqueurs sont affreusement flippants et c’est au réalisateur que l’on doit nos cauchemars. Seul moyen de les repousser : le patronus.
“Expecto Patronum !” est le sort que vous devez jeter pour vous sauver des griffes d’un détraqueur. Visible ensuite dans Harry Potter et l’Ordre du Phoenix, ce sortilège fait son apparition dans le troisième volet. Il s’agit d’un esprit protecteur dont la projection est propre à chacun. Pour Harry, le patronus est un cerf. En lui donnant cette aura légèrement bleuté, lumineuse et flottante, Alfonso Cuaron illustre le combat de la lumière contre les ténèbres et fige dans le marbre toute représentation du patronus.
Autre sombre créature introduite pour la première fois : le loup-garou. Frôlant l’imaginaire gothique, la transformation de Remus en loup-garou peut être impressionnante pour le jeune public. Mais le résultat est tout de même bien moins effrayant que les lycans de la saga Underworld dont le premier volet est sorti un avant Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban.
Mention spéciale au magicobus – ce bus à deux étage typiquement britannique qui roule à pleine vitesse, tenu par une tête réduite parlante, et dans cette scène culte et loufoque conduit Harry Potter jusqu’au Chemin de Traverse.
Au bout du compte, tous ces changements, et ces longs plans-séquence, multiples prises de vues au grand angle et mouvements de caméras, font de ce volet, comme le confirme Gary Oldman, “non pas un Harry Potter 3, mais un film d’Alfonso Cuaron”.
La saga Harry Potter film par film : 3. Le Prisonnier d’Azkaban
Revers de la médaille, en ce sens, peut-être, pourrait-on lui reprocher son manque de cohérence avec les autres films de la saga ? Contrairement à Peter Jackson, qui a fabriqué toute sa trilogie du Seigneur des Anneaux dans les mêmes décors, en reprenant des maquillages, costumes, teintes et éléments similaires d’un film à l’autre, les épisodes de Harry Potter n’ont que peu de liens entre eux. Cette impression générale de saga décousue est en partie due à ce troisième épisode, qui sort fortement du lot grâce à (ou à cause de) ses choix plus radicaux.
L’arrivée de nouveaux personnages emblématiques
Tout commence par un drame. Richard Harris, l’acteur interprétant jusque-là Dumbledore, est décédé. Comme l’école ne peut pas demeurer sans directeur, Michael Gambon (lui-même décédé en 2023) est nommé en remplacement. Et il a transformé son personnage, alors même qu’il n’avait jamais lu les livres ! Il ne jouait pas Dumbledore, il était Dumbledore. Plus manipulateur, plus ambigu, fomentant ses plans dans l’ombres… mais aussi plus amusant, plus joueur que son prédécesseur, son arrivée est l’un des grands bouleversements de la saga.
Au sein de l’équipe pédagogique, deux nouvelles têtes sont visibles et reviendront dans les opus suivants. Tout d’abord David Thewlis, Professeur Lupin, affecté à l’enseignement de la défense contre les forces du mal. C’est lui qui, dans le train, sauve Harry des détraqueurs. Puis, Emma Thompson (ex-compagne de Kenneth Branagh qui jouait Gilderoy Lockhart dans Harry Potter 2) en professeur de divination un peu farfelue portant sur son nez une grosse paire de lunettes avec des verres ressemblant à des loupes.
Cerise sur le gâteau : Gary Oldman en Sirius Black – cet antagoniste qui s’avère être en réalité un précieux allié pour Harry (on ne vous en dit pas plus). Sur ce choix de casting, le réalisateur explique :
“Pour ce rôle, je cherchais une icône, un acteur avec l’aura d’une rock star (…) Dès qu’il apparaît, Gary contribue à l’intensité dramatique du film en composant ce personnage d’une noirceur et d’une fragilité étonnantes pour un conte destiné aux enfants.”
Daniel Radcliffe : “Alfonso Cuaron et Gary Oldman ont fait souffler un vent de liberté sur Azkaban”
Personnage le plus apprécié des fans -avec le Rogue d’Alan Rickman- Sirius Black est devenu l’un des rôles emblématiques de la carrière d’Oldman, alors même qu’il n’apparait finalement que très peu de temps à lécran. Si bien que même présent au Festival de Cannes, en 2024, un journaliste revient sur son interprétation dans Harry Potter. Il faut dire que l’acteur de Dracula a fait preuve de beaucoup trop de modestie en déclarant se trouver “médiocre”. Qu’il rassure tout de suite : aucun fan ne l’a trouvé médiocre bien au contraire !
Gary Oldman aurait aimé jouer Sirius Black différemment dans Harry Potter
Pour l’interprète du héros à la cicatrice, Gary Oldman a été un véritable déclic dans son jeu d’acteur. Et comme pour ses partenaires de jeu, c’est dans Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban que le talent qui sommeillé en eux se réveille. Grâce à la direction d’Alfonso Cuaron, les jeunes acteurs parviennent à mieux cerner leur personnage et offrent une meilleure interprétation.
En outre, c’est également la première fois qu’une autre facette du Professeur Rogue (Alan Rickman) est dévoilée. Il se montre ici tour à tour parfaitement ridicule (lorsqu’il apparaît en cauchemar d’un élève pendant un cours du professeur Lupin) et protecteur touchant des enfants, au cours du dénouement final. L’un des grands “moments Rogue” que les fans ne sont pas prêts d’oublier.
Le box-office « riddikulus »
Alors que Harry Potter et les Reliques de la mort Partie 2 a dépassé le milliard de dollars de recette, somme que le premier film le frôle, en bas du classement on retrouve ce troisième volet qui enregistre le plus petit score de tous, (seulement) un peu plus de 796 millions de dollars à travers le monde. La créativité n’avait-elle pas réussi à ramener le public en salle ? Dernier en données chiffrées, mais premier dans le cœur des fans, cela arrive parfois, au cours des longues sagas.
Pourquoi le public a-t-il moins fait le déplacement à l’été 2004 ? Parce qu’il était justement plus sombre que ses prédécesseurs ? Parce qu’il ne sortait plus juste avant Noël, période réconfortante des productions familiales ? Depuis, des épisodes des Animaux fantastiques ont fait moins bien que lui, mais pendant longtemps, au box-office, Azkaban a fait figure de perdant.
Une adaptation pas si fidèle…
“Enfin, Alfonso Cuarón et son scénariste ont multiplié les impasses et les raccourcis. Décision judicieuse puisqu’ils leur permettent de mettre l’accent sur l’intensité dramatique de l’histoire en évitant les scories qui parasitaient les deux premiers.”
Comme toute adaptation cinématographique, des choix ont été opéré. Comme le disait le réalisateur dans le hors-série : “Ce qui n’y répondait pas, toutes les scènes qui s’en écartaient (ndlr : de la trame principale), on les mettait de côté.”
Ainsi, dès le début, on comprend qu’on ne verra pas souvent nos protagonistes dans une salle de classe. L’identité des Maraudeurs est à peine évoquée, si bien qu’il est difficile de faire le lien avec le papa de Harry et ses trois copains dès le premier visionnage, l’évasion de Sirius Black fait l’objet d’une ellipse, son entrées dans l’enceinte de Poudlard aussi, et les dialogues sont raccourcis pour se concentrer sur le drame.
Harry Potter : Tous ces éléments oubliés par les films qui devraient être dans la nouvelle série
Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban illustre bien l’adage qui dit qu’une adaptation réussie n’est pas forcément fidèle. Cinéma et littérature sont deux formes d’arts différentes, et la réussite de ce troisième volet est liée au fait que c’est un vrai film de cinéma. Fait pour divertir le public tout en l’impressionnant visuellement. La critique originale de Première ne s’y était pas trompée : si on aime autant ce troisième Harry Potter, c’est parce qu’il nous parle à tous. Certes, le premier épisode avait pu nous faire rêver, mais là, “Harry Potter, c’est plus seulement pour les petits, c’est aussi pour nous !”
Gary Oldman : “Harry Potter et Batman ont sauvé ma carrière”